Nous sommmes en 1944 en Toscane. La guerre s'éloigne. A Monterchi, les femmes font opposition de leurs corps pour empêcher les autorités de prendre la Madone de Santa Maria di Momentana. Les hommes l'emmurent pour la protéger. Dix ans plus tard, le conseil municipal refuse que la fresque soit prêtée pour une exposition sur la Première Rennaissance. Tout le village résiste. Chagall vient voir l'oeuvre d'art, cette Madone enceinte peinte par Piero della Francesca.
Michaël Glück, en trois mouvements, développe une réflexion sensible sur la place de l'art, la féminité, l'Histoire. Il met au jour cette enigme du corps qui est un corps autant qu'une pensée, et évoque une émotion qui vient du ventre.
"Elles savent, elles ne savent rien. Elles ont une pensée plus grande que le savoir. Elles aiment. Au miroir de la maternité, elles contemplent leurs ventres que l'attente des mots a comblés. Elles sont pleines de la venue de ces mots, gravides sans vanterie.
Elles ont les paupières lourdes comme des céréales, toute l'eau du paysage dans les yeux, ce voile du regard qui épouse la montée des brumes. Elles sont épouses des eaux, elles, les fertiles, les fécondes. Elles ne disent pas la Peinture, elles vivent; elles ne commentent pas l'oeuvre, elles oeuvrent, elles ouvrent, elles s'ouvrent vers les mots venus du dehors, elles s'ouvrent au texte qui s'est écrit au-dedans dans cette matière de la langue.
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Cadex Editions