(...) Sans doute l'oeil s'émeut, la paupière tremble quand la flamme tremble. Mais l'oreille qui s'est donnée tout entière à la conscience d'écouter a déjà entendu le malaise de la lumière .On rêvait, on ne regardait plus. Et voici que le ruisseau des sons de la flamme coule mal, les syllabes de la flamme se coagulent . Entendons bien : la flamme clignote . Les mots primitifs doivent imiter ce qu'on entend avant de traduire ce que l'on voit . Les trois syllabes de la flamme de la chandelle qui clignote se heurtent, se brisent l'une contre l'autre. Cli, gno, ter, aucune syllabe ne veut se fondre dans l'autre. Le malaise de la flamme est inscrit dans les petites hostilités des trois sonorités . Un rêveur de mots n'en finit pas de compatir avec ce drame des sonorités. Le mot clignoter est un des mots les plus tremblés de la langue française.
Editions Presses universitaires de France , 1961