(...)
Dans chaque livre il y a une page blanche qui n'est pas un miroir mais l'absence l'autre dévisagé qui gît muet sous nos yeux. Dans chaque blanc entre les mots du livre il y a l'attente de l'au-delà du livre. " De l'autre côté du livre disait l'aveugle il n'y a pas un village fût-il imaginaire mais un visage.
Je n'ai aucune imagination seul un visage me touche et le chant qui l'informe. Ah si vous aviez entendu le chant de Déborah si vous l'aviez entendu comme je l'ai attendu dans le dénouement blanc des paupières inutilement levées dans le tâtonnement humilié et mendiant des mains tendues vers la poussière où je ne reconnaîtrais jamais sa trace ; comme elle chantait Déborah comme elle chantait bordure de roses au plus près du lointain des lèvres."
page 64
Quand l'aveugle dansait le violon désertait l'épaule de Chlomo et tous fermaient les yeux. Enfin pas tous ; pas Sourèlé qui les gardait toujours ouverts ni Brindèlé ni le vieillard muet qui venait parfois s'asseoir dans la poussière du sentier. David Halter disait : la danse de l'aveugle c'était la curse d'un enfant sur une allée de roses. Mais ce que disait David Alter quelqu'un l'avait déjà dit ou déjà rapporté. Quelqu'un l'avait déjà commenté et souvent on attribuait à ce David des paroles qui étaient plus vielles que l'édredon qui avait protégé les ancêtres. Sourèlé pourtant avait vu une fois le nom de David Hatler ou Alter elle avait vu le nom du gardien de l'autre elle l'avait vu sur les lèvres de l'aveugle qui dansait . " Il n'a plus toute sa tête avait dit une femme _ ni sa raison " avait traduit une autre. Et le vieil homme aux lèvres cousues avait pleuré en battant des mains. Quelqu'un avait demandé une fois à Sourèlé pourquoi elle ne fermait jamais les yeux ; alors elle avait expliqué que ceux qui les fermaient voyaient quelque chose une ruelle de vieux vêtements des maisons des paysages des personnages et des décors avait-elle dit un théâtre imaginaire. Moi je n'ai pas d'imagination disait Sourèlé. Elle ajoutait qu'elle n'aimait pas les images et que ses yeux comme ses jambes étaient faits pour danser et pour voir la danse de l'aveugle ; ou bien qu'elle dansait dans le chant de Déborah . Plus tard Rhapsodie avait perdu la tête sur l'épaule absente de Chlomo.
pages 70 et 71 . "partition blanche" Michaël Glück Editions Verdier 1983 ( j' ai perdu la virgule sur le clavier de l'ordinateur ainsi est-elle suggérée par un espace )